Espace Citoyen
Dernière modification le 18 septembre 2024
Dernière modification le 18 septembre 2024

Cercle de lecture - juin 2023 - sélection Lettres Frontière

Présentation de la sélection du Prix Lettres Frontière 2023
Image
Photo : DR

Sélection suisse romande

Un roman dont le héros serait un traître à la patrie qui a, comme deux mille autres soldats suisses, porté de 1942 à 1945 l’uniforme de la Waffen SS serait autorisé de publication ? Pierre Béguin l’ose magistralement. Il brosse une puissante fresque biographique, historique d’un noir passé européen encore proche et prégnant. Sa plume met en vie des paysages tant humains que géographiques : amour, bienveillance, haine, cruauté, horreur. La vie sordide et désenchantée d’un « bâtard », subtilement insérée, en miroir, dans le présent du lieutenant Alfred Luginbühl, éclaire l’engagement et les actes d’un être qui ne demandait qu’à vivre simplement. Un roman passionnant, richement documenté par les notes du Suisse Luginbühl rapatrié à 28 ans et ressorti vivant du feu de l’enfer.
Le jeune Ron est un doux rêveur un brin utopique. Il tombe un jour sur la chronique d’un groupe de rock qui mentionne dans un petit article l’existence d’une cabine téléphonique au milieu du désert de Mojave et en donne le numéro. Fasciné par cette histoire, Ron va entraîner sa bande de potes dans son délire et instituer des tournus pour composer le fameux numéro jusqu’à ce qu’un jour… Un livre qui parle de ténacité, d’amitié, de l’essor d’internet et de l’émerveillement des débuts de ces connexions qui permettent de relier des inconnus du monde entier et puis, de magnifiques descriptions de ce désert.
Galel et Jonas sont guides de montagne. Chaque été, Paul, gardien de cabane, les accueille cordialement lorsque, au hasard d’une de leurs expéditions, leurs cordées se croisent. Leur passion commune pour la montagne soude leur amitié. Ces taiseux savourent ces moments ensemble aussi attendus que précieux, inoubliables. Premier roman à l’écriture ciselée, à la poétique sobre, « Galel » nous entraîne dans un monde de rocaille, de beauté, de silence…

Jeanne, la narratrice, vit dans un petit village où tout se sait mais où tous les secrets sont bien gardés. Elle subit quotidiennement les violences verbales, les coups et les humiliations de son père. Contrairement à sa mère et à sa soeur, elle lui tient tête et se révolte. Le médecin du village, appelé une fois en urgence, constate les blessures mais se tait. Il ne lui est d’aucun secours. Jeune adulte, Jeanne entre à l’Ecole Normale d’instituteurs puis, suite à un événement tragique, elle part vivre à Lausanne où elle va tenter de se construire. Même si elle rencontre des êtres bienveillants et qu’elle s’accorde des moments de joie en allant nager dans le lac, elle peine à trouver la paix. Les violences laissent des traces indélébiles et la rage qui l’habite l’empêche de vivre sereinement et de pardonner.
Ecrivain confirmé, l’auteur raconte dans son roman l’histoire géopolitique des pays bordant le Lac Tchad, la grande et la petite histoire de cette région par trois personnages rescapés de l’esclavage, fragiles mais solidaires. Leurs aventures incroyables et finalement leur installation sur une île flottante pour bâtir une communauté fraternelle et joyeuse nous font voyager à travers le temps. D’une écriture plaisante, poétique, pleine d’humour, le roman nous fait voyager de découvertes historiques peu connues en divisions de territoire, chasses aux esclaves, traites négrières, colonisations. La présentation du volume contient une carte et la chronologie des événements historiques de cette région de 642 à nos jours.

Sélection d'Auvergne-Rhône-Alpes

Une plongée dans un univers rarement évoqué, celui de la musique électronique. Juan a vécu pendant 20 ans de sa musique, la techno. Il a parcouru le monde, fait la fête, vécu avec insouciance, brûlé la vie par les deux bouts sans penser au lendemain. Mais voilà qu’à 40 ans, il est stoppé net. Il se réfugie en Ardèche, dans la maison d'un ami et, du jour au lendemain, doit réapprendre à vivre « dans la vraie vie » avec le quotidien, le jour, la nuit, des gens normaux. Confronté à lui-même, à ses questionnements, à sa famille, à ses amis, à ses amours, il va se frotter à la vie, à ce qu’elle peut nous apporter de plus beau comme le plus sombre. Le roman est caustique, drôle, mais profondément émouvant. Le style est riche, rythmé comme l'électro, tranchant. Le titre fait référence aux sirènes qui tentaient d'enchanter Ulysse et se cachaient dans une petite île Es Vedra prés d'Ibizza.
Une équipe composée de deux chiens, d'une femme et de trois hommes affronte la tempête pour rejoindre le "Reculoir", ultime hameau avant "La Grande", gigantesque montagne au bord du monde. Cette cordée doit apporter du matériel pour réparer une ligne électrique afin que le père Salomon, un ermite, ait à nouveau la lumière. Mais Gaspard, le chef de groupe, a un tout autre dessein : gravir ce sommet que personne n'a jamais réussi à atteindre. Il entraine dans son aventure le jeune Solal. C'est un roman sur le parallèle entre l'ascension en montagne et le chemin de vie de chacun. C'est une parabole philosophique sur le sens de la vie, la mort, notre rapport avec le cosmos et Dieu et sur le goût du risque qui affûte la conscience de la vie. Les descriptions de l'atmosphère de la montagne, du froid, de la neige sont très belles et poétiques.
Le roman raconte la rencontre entre Cézanne qui a des problèmes de vue à cause d'inflammations dues à la poussière des carrières où il travaille et un ophtalmologue connu à Paris, Barthélémy Racine qui a épousé une indienne aveugle qu'il a ramené de Californie où il avait dû s'exiler pendant la Commune. A travers cette rencontre, c'est tout le questionnement sur la capacité de voir ou de ne pas voir qui est soulevé. Comment un peintre peut-il redonner avec des couleurs et des formes tout ce qu'il voit et ressent ? Comment peut-on voir avec des yeux de nouveau-né ? Que ressentent ceux qui voient à nouveau après une opération ? Magnifique roman sur ces questions existentielles et philosophiques, écrit par touches picturales et poétiques.
Une petite fille blanche, dans une banlieue de petites maisons de mineurs alignées dans le nord de la France. De l’autre côté du terrain vague, la cité, celle des émigrés, de ceux qui ont la peau plus foncée, qui ne parlent pas la même langue, celle de Saïd. C’est la rencontre de deux enfants livrés à eux-mêmes dans la chaleur de l'été, que tout sépare, mais que tout rapproche, car ils ont les mêmes rêves. Ils vont braver les interdits et partager leurs jeux, une partie de leur vie et leur insouciance avant d’être séparés. Cette amitié fera de l’héroïne la femme qu’elle est devenue. Un roman est écrit tout en douceur, en retenue et en sobriété mais percutant.
Un premier roman puissant, rythmé et très bien construit. Il débute avec le décès de Maria, l'arrière-grand-mère de Gabrielle, 13 ans, avec laquelle elle entretenait un lien particulier et qui va bouleverser l'adolescente. Pour mieux comprendre pourquoi, la narration est entrecoupée de flashbacks qui racontent, jusqu'à ce jour fatidique, la naissance de Gabrielle, grande prématurée, puis son enfance dans une constellation familiale où les femmes sont omniprésentes, et éclairent petit à petit les zones d'ombre jusqu'aux dernières pages.
Contact